Madame la Secrétaire générale de la Francophonie,
Mesdames, Messieurs les Représentants personnels des Chefs d’Etat et de Gouvernement auprès de la Francophonie,
Mesdames, Messieurs les panélistes,
Mesdames, Messieurs,
Je voudrais tout d’abord saluer la mémoire du Président Amadou Toumani Touré, ancien Président de la République du Mali, décédé aujourd’hui, et présenter mes condoléances à sa famille et au peuple malien ami et frère.
Merci chère Louise, pour ton aimable invitation à cette Conversation francophone commémorative du 20ème anniversaire de la Déclaration de Bamako. Cet évènement est une excellente initiative. Je t’en félicite vivement.
Je salue et remercie Madame Christine Desouches, pour les éminents services rendus à la Francophonie.
En adoptant il y a 20 ans la Déclaration de Bamako, la Francophonie a voulu se donner un cadre d’action concerté pour faire avancer la cause de la démocratie et des droits et libertés dans notre espace commun.
Le texte de Bamako traduit notre attachement commun aux valeurs universelles que porte la Francophonie.
Il signifie, surtout, notre engagement de promouvoir l’exercice pratique de la démocratie et des droits et libertés y afférents, au-delà d’un formalisme juridique sans prise sur le réel.
Concrètement, la Déclaration de Bamako nous engage à :
- la tenue d’élections libres, fiables et transparentes ;
- la pratique de l’Etat de droit, qui implique la séparation des pouvoirs et la soumission de tous, gouvernants comme gouvernés, à la loi ;
- enfin et sans être exhaustif, l’exercice des droits et des libertés sans entraves indues.
L’esprit de Bamako, c’est aussi, au-delà de la dialectique opposition-pouvoir propre au jeu démocratique, entre acteurs politiques, la promotion d’une culture de dialogue et de concertation pour une vie politique et institutionnelle apaisée.
Sur tous ces fronts, l’élan porté par la Francophonie a connu des avancées significatives.
Sur l’ensemble de l’espace francophone, nos acquis sont indéniables. Malgré des limites certaines, la démocratie gagne du terrain à travers la tenue d’élections libres et régulières ; l’exercice des droits et libertés est mieux assuré, de même que le fonctionnement des Institutions.
En outre, la Francophonie continue de jouer un rôle essentiel en matière d’accompagnement des processus électoraux, de soutien à la transition démocratique et de prévention des conflits grâce à son système d’alerte précoce.
Pour autant, nos défis sont nombreux. Je pense aux conflits persistants, aux ruptures sporadiques de l’ordre constitutionnel et à la conduite de certains processus électoraux au mépris des principes et valeurs convenus dans la Déclaration de Bamako.
En vingt ans, le contexte mondial a aussi beaucoup évolué. Les menaces à la paix et à la sécurité telles que le terrorisme et les autres formes de criminalité transfrontalières sont devenues plus pesantes. Le péril environnemental s’est accentué. La pandémie COVID-19 et ses impacts multiples, montrent à quel point l’Etat peut être confronté à des contraintes tout à fait inédites dans la gestion des affaires publiques, y compris l’exercice des droits et libertés.
Voilà autant de paradigmes nouveaux qui méritent réflexion et éclairent de nouveau l’équilibre à rechercher entre le pouvoir régalien et la jouissance des droits et libertés.
Mesdames, messieurs,
J’ai parlé de nos valeurs communes. Je me dois aussi de rappeler nos diversités, voire nos différences. La Francophonie, ce sont des valeurs partagées, mais aussi des pluralités économiques, sociales et culturelles.
Cela veut dire que notre synergie autour des idéaux universels ne doit ni occulter ni écarter les réalités historiques et civilisationnelles qui fondent l’identité remarquable de chaque peuple.
En matière de culture et de civilisation, il ne peut y avoir de relations verticales qui donneraient le droit d’injonction d’un centre sur sa périphérie, mais d’interactions horizontales, bâties sur le respect et la compréhension mutuels.
Pratiquer ensemble nos valeurs communes, assumer et respecter sans complexe nos différences, voilà, à mes yeux, une condition essentielle de la coexistence pacifique des peuples et des civilisations, au-delà même de l’espace francophone.
Une autre problématique mérite réflexion dans le contexte de la Francophonie plurielle : celle des droits économiques, sociaux et culturels, parties intégrantes du droit au développement.
La Francophonie, c’est une langue et des valeurs partagées. Mais c’est aussi un espace à niveaux de développement économique et social disparates.
A l’évidence, après un demi-siècle d’existence, le bilan de la Francophonie en matière de promotion et de protection des droits civils et politiques est appréciable. Nous l’avions déjà constaté en 2010 à Montreux à l’occasion des 10 ans de la Déclaration de Bamako.
Il n’en est pas de même sur le front des droits économiques, sociaux et culturels. Or, le peuple a autant besoin de pain que de liberté. Et l’expérience montre que la démocratie, la liberté et les droits de l’homme sont vulnérables là où sévissent la faim, la maladie, l’ignorance, la pauvreté et les inégalités sociales.
C’est dire que nous devons accorder le même ordre de priorité à toute la nomenclature des droits de l’homme pour réaliser l’épanouissement de l’homme intégral selon la formule du Président Léopold Sedar Senghor, un des pères fondateurs de la Francophonie.
C’est tout le sens de la Stratégie économique de la Francophonie que nous avons adoptée au Sommet de Dakar en 2014 pour montrer que le développement doit rester au cœur de nos préoccupations.
C’est dans le même esprit que le Sénégal avait pris l’initiative d’organiser en marge du Sommet de Dakar le premier Forum économique francophone, en vue de promouvoir le commerce l’investissement et contribuer ainsi à donner corps à la francophonie économique.
De même, considérant l’enjeu vital de la santé, le Sénégal avait proposé dans la Déclaration du Sommet la prise en compte de la dimension santé dans toutes les politiques publiques. C’était une innovation dans le champ d’action de l’OIF.
A posteriori, la pandémie COVID-19 et ses impacts multiples nous montrent combien la question sanitaire et toutes les autres touchant aux droits économiques, sociaux et culturels, doivent rester au cœur de nos priorités en tant que communauté solidaire. Voilà un bel agenda pour la Francophonie des peuples pour les années à venir.
Il en est de même de l’éducation et de la formation.
En éduquant et en formant nos jeunes aux métiers, en les occupant par l’emploi et d’autres activités génératrices de revenus, nous répondrons efficacement aux risques de marginalisation, de radicalisation violente et de migration mal maîtrisée.
En outre, je suis également d’avis que la voix de la Francophonie devrait être davantage entendue sur des problématiques majeures comme le financement du développement, y compris la question de la dette. Dans un contexte où l’aide publique a montré ses limites, il convient en effet de changer de paradigmes pour des mécanismes de financement adaptés, dont les partenariats publics-privés.
De ce point de vue, il y a urgence à réformer la gouvernance économique mondiale, afin qu’elle soit plus inclusive dans la prise en compte des nouveaux défis que pose le processus d’émergence des pays en développement.
Voilà, Madame la Secrétaire générale, chère Louis, Mesdames, Messieurs, les quelques réflexions que m’inspirent nos Conversations francophones, à l’occasion des 20 ans de la Déclaration de Bamako. Ensemble, nous avons beaucoup fait.
Ensemble, il nous reste beaucoup à faire pour labourer les nouveaux champs du possible.
Et ensemble nous y parviendrons.
Je vous remercie.